Deuxième partie : Causes profondes

Les causes qui ont engendré et soutenu les processus et tendances qui nous ont conduits à l’effondrement global sont multiples et peuvent être examinées à chaque niveau de conscience ou de réalité. Cette revue s’intéresse aux causes profondes, animiques et spirituelles, en d’autres termes, aux valeurs et croyances qui inspirent ou encouragent les tendances non durables, appuyées par l’arrogance que la conscience de supériorité du progrès technologique a conféré à la mentalité occidentale, et qui, depuis la fin du siècle dernier, s’est répandue sur la quasi-totalité du monde.

Le point de vue historique permet d’exposer la cause de la perte progressive de la sagesse et de la fragmentation croissante de la connaissance, qui a dégénéré en informations décousues et, enfin, en valses de données statistiques sans contexte, facilement manipulables et dénuées de sens, qui font perdre la vue d’ensemble et le sens des proportions. Une tendance qui a empiré avec l’utilisation généralisée des technologies numériques (Internet, réseaux sociaux, etc.) qui ont entraîné une réduction de la mémoire, de l’attention, de la capacité de concentration et ont diminué grande partie des multiples dimensions de l’intelligence. Cette réalité, associée à l’impact médiatique, dans le monde où règne déjà la post-vérité, a entraîné un effondrement cognitif, avec une fragmentation et une confusion croissante de la conscience humaine, tant individuelle que collective.

Une autre contribution examine l’effondrement comme la deuxième chute de l’âme, dans cette civilisation marquée par la mondialisation d’une pensée unique couvrant la diversité d’un monde dont l’œil intérieur a été voilé. Un monde qui a perdu la vision qui relie les formes à leur essence, puis à leur tour les relie au substrat génésique où elles naissent. On nous invite à regarder la réalité, le mal qui s’étend, le débordement de fraudes, trahisons, violences et cupidité insatiable, à regarder dans les yeux les plans des nouveaux empires qui servent le prince de ce monde, et à tout tenter pour atteindre le réveil, la connexion intérieure avec la dimension transcendante, pour de nouveau voir le monde comme un cosmos et une théophanie et ainsi nous attacher à y vivre en harmonie.

La sagesse de la Terre permet de partir du principe que l’effondrement de l’espèce humaine se produit lorsque nous ne savons pas prendre soin du commun, de notre Terre Mère. Que la déconnexion à notre propre voix intérieure, la perte de sagesse et de connaissance de soi se reflètent dans la destruction accélérée d’espèces et d’écosystèmes entiers. Que la révélation (apocalypse) se produit lorsque l’on met fin à la détresse de vouloir/posséder et que l’on regarde avec attention le fond des phénomènes, sans y projeter ni désir ni absence. Le monde s’ouvre et permet de retrouver un état de conscience doté de la force de la transformation : la perception de l’origine, du mystère que nous partageons avec la nature, de ce principe vital que les anciens appelaient l’âme du monde.

Le diagnostic des valeurs cherche à examiner comment la sacralité et la transcendance dans la vie humaine actuelle ont perdu de leur importance dans de nombreuses régions du monde, y compris au sein de nombreuses organisations religieuses où la connaissance authentique et universelle s’est de plus en plus limitée à une croyance conventionnelle et particulière. La disparition de la sacralité de l’être et de la nature va de pair avec l’ancrage cosmique de l’être, de son espoir. Parmi ses effets, on note la perte de vision claire, d’harmonie, la profusion de la corruption, de l’ignominie, et une religiosité décadente qui favorise une incompatibilité spatiale intrinsèque avec l’altérité, élevant des murs de confinement spatial et idéologique, une sorte de « cannibalisme ».

Le diagnostic métaphysique signale, comme cause ultime de l’effondrement, « l’oubli de l’Être », c’est-à-dire la perte du sens de l’unité primordiale d’ordre métaphysique qui a conduit à une perception existentielle d’une dualité irréductible, à la scission entre humus et homo qui est à la base du progrès prédateur de la matière, et enfin de sa destruction. De fondement cartésien, cet oubli a éclipsé l’esprit et détruit le symbole, soutenu par le désir en permanence insatisfait de l’égo moderne, déconnecté de la nature et sans aucun sens métaphysique qui lui permette de relativiser l’importance qu’il se donne à lui-même, par l’oubli de l’Être.

Cette seconde partie se termine par un bref résumé de l’enseignement des eschatologies traditionnelles sur la fin du temps, à partir d’un petit échantillon de prophéties issues de traditions primordiales, de l’hindouisme, du bouddhisme, du judaïsme, du christianisme et de l’islam, qui permet de manifester leur concordance interne. Sous l’angle de la Sophia Perennis, est proposée une synthèse concise de ce qui se dégage dans la diversité de leurs symboles